La première fois ….

 Pour vous éleveur, ce ne sera peut-être pas la première fois qu'un poulain naît chez vous, mais beaucoup d'entre vous confirmeront que c'est à chaque fois un événement très spécial. Pas seulement la naissance elle-même, mais aussi les jours, les semaines et les mois qui suivent, durant lesquels le poulain vit chaque jour de nouvelles expériences. Depuis la première fois où il trouve par lui-même le pis maternel, sur ses jambes encore vacillantes, jusqu'au moment où sonne l'heure du sevrage, celle de continuer son chemin tout seul. Dans cet article, nous décrirons quelques-unes de ces "premières fois" pour le poulain, avec quelques conseils sur la façon de l'accompagner au mieux dans toutes ces nouveautés. ‘La première fois ….’

  …qu'il respire

Votre poulain vient tout juste de naître. Il est allongé sur la paille derrière sa mère, encore enveloppé de la membrane. Celle-ci est en principe déchirée par la jument ou le poulain lui-même, mais si ce n'est pas le cas, il est important d'intervenir. Ouvrez la poche, libérez la tête du nouveau-né et enlevez les sécrétions de ses naseaux, afin qu'il n'y ait aucun obstacle à sa première inspiration.

 Conseil: Si le poulain semble apathique, essayez de le stimuler en frottant ses côtes avec une grosse poignée de paille. 

 …qu'il se lève

Un poulain en bonne santé va essayer de se mettre debout très peu de temps après sa naissance. C'est essentiel dans la nature, car les chevaux sont des animaux de fuite et doivent être capables d'échapper à leurs ennemis potentiels à n'importe quel moment. Chez les chevaux domestiqués, ce n'est évidemment pas nécessaire. Mais il est par contre important que le poulain absorbe le lait de sa mère dans les quelques heures qui suivent sa naissance, et pour ce faire, il devra d'abord tenir sur ses jambes. Il est donc bien utile que le désir de se lever soit instinctif!

 Conseil: pour encourager le poulain à se lever, vous pouvez gentiment lui pincer la colonne vertébrale, comme le ferait sa mère.

…qu'il tète

Le poulain nouveau-né n'a aucune défense immunitaire, car avant sa naissance, il n'a reçu aucun anticorps de la mère à travers le placenta (comme c'est le cas pour les humains). Le poulain tient sa première immunité du colostrum (le premier lait de la mère). Il est important qu'il l'ingère le plus rapidement possible après sa naissance, puisqu'un poulain sans défense immunitaire est très sensible aux infections. Le colostrum a une composition différente du lait qui sera produit ultérieurement, car en plus des anticorps, son contenu est plus riche en graisse, protéines, vitamines et minéraux, afin de donner au poulain un départ optimal dans la vie. Les juments perdent déjà quelques gouttes de ce lait avant de pouliner, visibles sur la face interne des postérieurs qui est alors poisseuse. Dans la plupart des cas, ce phénomène annonce une naissance imminente, dans les 24 heures. Si ce n'est pas le cas et si la jument perd constamment du lait, il y a un risque que le poulain ne puisse pas bénéficier (d'une partie) de ce colostrum si précieux pour lui! Dans ce cas, il est plus prudent de traire la jument et de congeler ce lait, afin de pouvoir le donner plus tard au poulain. En cas de doute sur la qualité du colostrum, il est possible de la déterminer au préalable (la concentration d'anticorps peut être mesurée) afin d'être sûr que le poulain développera un système immunitaire suffisant en l'absorbant. Il est aussi possible de faire vérifier le statut immunitaire du poulain après la naissance (la concentration d'anticorps dans le sang peut également être quantifiée) afin de s'assurer qu'il en a reçu une dose suffisante. Si la qualité du colostrum ou du statut immunitaire est insuffisante, il vaut mieux envisager de se procurer le colostrum d'une autre jument (en complément).

Les anticorps présents dans le colostrum, ne peuvent être assimilés par l'organisme du poulain que durant les 24 heures suivant la naissance (l'assimilation maximum se situant durant les 4 – 8 premières heures!); passé ce délai, toute assimilation décroît très rapidement, il est alors inutile de donner du colostrum. Si l'analyse sanguine montre que l'immunité du poulain après 12 – 18 heures est insuffisante, vous pouvez encore rétablir l'équilibre en administrant du plasma sanguin au poulain. Cependant, les transfusions de plasma sanguin sont très onéreuses, il est donc préférable de s'assurer que le poulain reçoit une quantité suffisante de colostrum et donc d'anticorps! Il est de plus conseillé, dans les derniers mois précédant le terme, de garder la jument dans le box même où elle est supposée rester avec son poulain nouveau-né. Le corps de la jument est capable de développer des anticorps adaptés aux germes présents dans ce box, le poulain recevra ainsi une grande quantité d'anticorps "sur mesure" du colostrum. 

Conseil: Il arrive parfois que la jument ne laisse pas le poulain téter car son pis est trop congestionné. Il est généralement  suffisant dans ce cas de tenir la jument pendant que le poulain tète. Au besoin, l'on peut traire la jument pour diminuer la pression.

Moins de vermifuges, plus de coproscopies

Pour les foals nouveau-nés, il est important que la mère soit correctement vermifugée pendant sa gestation. Cela permet de s'assurer que les larves ou œufs de vers présents dans la mamelle de la mère soient éliminées et qu’ainsi, le poulain ne puisse pas être parasité par le lait.

Néanmoins, dans un environnement naturel, chaque poulain sera confronté aux vers. Heureusement, le foal développe un système naturel de défense contre les vers. Mais ce n'est pas une garantie contre la diarrhée causée par les parasites. Il n'est cependant pas avisé de vermifuger les poulains au cours de leurs premières semaines. Tant que le foal semble gai et qu'il boit bien, il n'y a pas lieu de s'inquiéter de la présence de vers. Mais si le poulain semble apathique ou ne se montre pas très intéressé par la tétée, il vaut mieux prévenir que guérir et consulter un vétérinaire.

La pratique recommandée est d'administrer au poulain son premier vermifuge après deux ou trois mois. À ce moment-là, il y a un risque de parasitage par les ascarides. Un pelage hirsute et un gros ventre en sont les symptômes. Une contamination par les ascarides peut également entraîner de la toux, des écoulements nasaux et des coliques.

Les vermifuges fréquents étaient autrefois une pratique courante, mais des recherches scientifiques récentes ont montré que cette pratique augmente le risque de résistance aux parasites. Il est donc conseillé d'examiner d'abord les crottins en effectuant un dépistage et un comptage des œufs de vers (coproscopie), puis de personnaliser le vermifuge en fonction des résultats du laboratoire.

…qu'il porte un licol

Certains éleveurs posent un licol au poulain dès son premier jour, d'autres le font plus tard, certains ne le font pas avant d'avoir commencé le sevrage. Entre deux extrêmes, le juste milieu est souvent le meilleur choix! Un éleveur dont le loisir est de ne faire naître que quelques poulains dans l'année a probablement assez de temps à consacrer à ses poulains, tandis que celui vivant de son élevage arrive généralement à dégager moins de temps à cet effet, en raison du grand nombre d'animaux, qui souvent ne sont pas à proximité des écuries principales. Il est absolument recommandé d'habituer le poulain à l'humain dès ses premiers jours, afin que l'Homme et ses actions soient considérés comme 'normaux'. Tout ce qu'un poulain expérimente durant ses premiers jours reste gravé dans sa mémoire. Il est important que, dès cette phase, il soit correctement et régulièrement manipulé. Car lorsque cette adorable petite chose pèsera 600 kg, l'antérieur qui vient amicalement vous gratter ou le tendre grignotement auront perdu tout leur charme!… En clair: essayez d'approcher le poulain de manière constructive, mais posez des limites claires au comportement indésirable! A vous de trouver le bon équilibre entre docile et dominant… Le degré de facilité avec laquelle un poulain se laisse manipuler n'est pas exclusivement déterminé par la quantité d'attention que lui a portée son propriétaire. Cela dépend aussi de la mère: le poulain d'une jument d'âge et calme fera plus facilement confiance à l'humain que le poulain d'une jument jeune et plus hésitante, rendue nerveuse par la présence du poulain et qui tente constamment de l'éloigner de tout ce qui est 'nouveau'.

Apprendre à un poulain à se laisser conduire au licol n'est pas une mince affaire! Son encolure est très fragile. Ne jamais attacher un poulain, car il risque de tirer si violemment qu'il pourrait se briser le cou!

Conseil: Si le poulain doit être temporairement immobilisé, par exemple pour le vacciner ou le vermifuger, il est préférable de maintenir en même temps le poitrail et la queue, en gardant le poulain plaqué contre sa mère ou contre un mur.

…qu'il voyage

Le moment où le poulain devra voyager paraît bien loin lorsque l'on contemple le nouveau-né, mais cela pourrait arriver bien plus tôt que ce que l'on espère. L'éleveur peut vouloir faire inséminer sa jument sur les chaleurs de lait, soit une semaine après le poulinage, ce qui implique de la transporter ave son poulain jusqu'au centre d'insémination! Une jument et son poulain peuvent voyager dans un camion ou un van. Dans tous les cas, le poulain doit pouvoir rester près de sa mère, le meilleur moyen qui soit pour que les deux voyagent en paix. Déplacez sur le côté (et fixez) la séparation dans un van deux places, par exemple. Dans un camion, il est important de barrer entre les bas-flancs tous les espaces à travers lesquels le poulain pourrait se glisser et s'éloigner de sa mère. Créez une barrière provisoire, avec quelques balles de copeaux, par exemple. Durant l'embarquement, il est important que le poulain reste aux pieds de la mère jusque dans le van ou le camion. Ne jamais attacher la jument tant que le poulain n'est pas à côté d'elle et que la barre de queue n'est pas en place (ou le bas-flanc s'il s'agit d'un camion)! Les jeunes poulains peuvent être portés ou poussés, mais charger des poulains plus âgés peut être plus problématique. Dans ce cas, garez le camion ou le van de façon à ce que le poulain ne puisse pas s'échapper. N'attachez jamais le poulain; il est plus sûr qu'il reste en liberté à côté de sa mère. Si vous utilisez un van, n'oubliez pas de fixer le rabat supérieur de la porte arrière: un poulain est peut-être une tout petite chose, mais ce ne serait pas la première fois que cette toute petite chose pratique l'escalade! 

Conseil: Assurez-vous que le poulain – qui n'est jamais attaché – ne puisse pas ouvrir la porte latérale de l'intérieur, ce qui pourrait conduire à une catastrophe! Fermez-la correctement à l'extérieur ou utilisez une longe pour bloquer la poignée.

…qu'il part en concours (par exemple au Festival Z !)

La plupart des stud-books organisent maintenant des championnats de foals, qui sont de réelles opportunités pour les éleveurs de présenter leurs poulains et de les faire juger par des experts. Zangersheide, par exemple, organise le Festival Z depuis 1999, pour les éleveurs qui ont enregistré leurs produits au stud-book Zangersheide. Si vous décidez d'inscrire votre poulain à une telle manifestation, cela demandera une certaine préparation, puisque vous voulez naturellement que votre poulain et sa mère ravissent la vedette! Et pour cela, se contenter de les natter la veille n'est pas suffisant. Les rentrer au box le soir quelques semaines avant le concours et peut-être leur donner un peu de vitamines peut aider le poulain à perdre son 'poil de poulain' afin que sa robe soit plus brillante le jour du concours. Assurez-vous que la jument et le poulain soient à jour de leurs vaccinations; en concours, ils sont en contact avec d'autres chevaux et il y a toujours un risque élevé d'infections. En plus du vétérinaire, demandez à votre maréchal de passer les voir, afin que les pieds de la jument soient corrects et demandez-lui s'il juge nécessaire de passer un coup de râpe sur les sabots du poulain pour les arrondir. Le maréchal doit intervenir au moins une semaine avant le concours, et non la veille, car les chevaux peuvent avoir la sole un peu sensible juste après qu'ils soient parés. Bien entendu, à ce moment-là, vous vous êtes déjà assuré que le poulain ait reçu un minimum d'éducation et qu'il suivra sa mère au licol, car c'est une chose sur laquelle vous ne regretterez pas d'avoir passé du temps. Si vous n'avez jamais transporté la jument et son poulain ensemble, il est conseillé de leur faire faire un ou deux tours de camion ou van auparavant, ce sera une source de stress en moins le grand jour. Car finalement, il s'agit (aussi) de se faire plaisir!

Conseil: Si vous n'avez jamais pris part à un championnat de foals, il peut être sage d'aller en voir au moins un en tant que visiteur, afin d'en observer le déroulement. Ce qui est important au moment de présenter la jument et son poulain, s'il faut une tenue particulière le jour de la présentation, s'ils ne se présentent en main qu'au pas ou s'il faut aussi les faire trotter, galoper  etc. Une bonne préparation rendra la tâche bien plus facile!

…qu'il est séparé de sa mère

Même s'ils forment un charmant tableau lorsqu'ils broutent ensemble, le jour viendra où la jument et son poulain devront être séparés. Il se peut que la jument doive reprendre sa carrière sportive ou qu'elle soit à nouveau gestante. Dans la nature, la jument commencerait de toute façon à mettre une distance entre elle et son poulain et à refuser qu'il la tète. Car si elle est à nouveau gestante, il faudra qu'elle s'investisse dans son nouveau futur produit et ne pourra plus consacrer d'énergie à la production de lait pour le poulain âgé, qui à ce moment-là peut subvenir à ses propres besoins en broutant. La séparation de la mère et de son poulain s'appelle le sevrage. Il peut se faire progressivement, en les éloignant l'un de l'autre sur des durées de plus en plus longues, ou en une seule fois, du jour au lendemain. Ici encore, les avis sont très partagés sur la méthode à adopter. Bien entendu, cela dépend aussi des circonstances; les grands élevages seront en faveur d'une franche rupture car le poulain tout juste sevré pourra rejoindre un groupe de jeunes. Pour l'éleveur n'ayant qu'un poulain, cela n'est pas possible et dans ce cas, la méthode progressive est plus indiquée. Mais quelle que soit la méthode, c'est un événement stressant pour le poulain. L'on peut limiter ce stress en trouvant un compagnon pour le poulain, auquel il a si possible été habitué auparavant. Un autre poulain quasiment du même âge est l'idéal, mais en l'absence, tout autre cheval ou poney (calme!) peut être une bonne alternative. Au moins, le poulain ne se sentira pas trop seul. Il est conseillé de garder le poulain suffisamment éloigné de sa mère, afin qu'ils ne s'entendent pas mutuellement hennir, ce qui ne ferait qu'augmenter l'état de crise. Lorsque l'on sépare le poulain de sa mère, il faut particulièrement veiller à ce qu'il ne se blesse pas en essayant de s'échapper (pour rejoindre sa mère). Gardez-le au box les premiers jours, car le risque est grand qu'il ne traverse une clôture ou une barrière en galopant. Mais au box aussi, il faut être vigilant face à des circonstances potentiellement dangereuses: nombreux sont les poulains qui se sont coincé un ou des membres dans la porte ou qui ont tenté de l'escalader, au risque de se blesser gravement. Et enfin, il faut aussi savoir que non seulement sa mère manque au poulain, mais aussi le fait de téter, ce qui est un énorme changement pour lui! Afin de faciliter cette étape, il est conseillé que le poulain soit déjà habitué à manger et à boire de l'eau.

Conseil: Ne changez pas le type d'alimentation du poulain durant le sevrage. S'il est habitué, par exemple, à manger les granulés de sa mère, continuez à lui donner ces granulés quelques temps avant de passer à une alimentation spécialement adaptée aux poulains. La période du sevrage est suffisamment stressante pour lui et si vous changez en même temps son alimentation, il risque de ne plus vouloir s'alimenter, ce qui éprouverait sérieusement son système immunitaire.